Histoire du Village

Histoire de La Beaume

La Beaume, qui s’écrivait autrefois La Balme puis La Baulme tient son nom de la caverne profonde située dans le rocher qui domine le village au Nord et qui s’appelle Beaumette.

1- La Préhistoire

On peut envisager que les Préalpes du Sud ont été une des rares régions habitables assez tôt (environ 50 siècles avant notre ère, alors que le reste du département n’était que toundra).

De par la configuration du site de notre village qui se compose d’un cirque, abrité des vents dominants, d’une grotte, pouvant faire office d’abri sous roche en hauteur pour se mettre hors d’atteinte des animaux sauvages, d’une rivière poissonneuse et d’alentours giboyeux, le pays a dû héberger des peuplades nomades qui petit à petit ont cherché à s’établir dans des lieux propices à la sédentarisation. On a trouvé dans les environs des percuteurs, des haches et des flèches qui attestent cette présence.

2- Le Monde Antique

Plus tard, les peuples s’organisent et le territoire de La Beaume est occupé par les Ligures au cours de leur migration vers le VI° s avant J.-C. Les Ligures, première souche de civilisation, ont inventé la charpente. C’est le chaînon manquant datant des époques où le cuivre, l’étain et le bronze engageront des processus d’échanges et d’expansion. Certains vestiges laissent à penser que des Celtes se seraient installés après les Ligures.

Puis les Voconces (fédération de peuples gaulois qui prend un territoire important aux Ligures au IV° avant J.-C.) voisins et adversaires des Allobroges les remplaceront. Une de leurs capitales était Luc-en-Diois, plus importante que Die à l’époque.

Hannibal a franchi les Alpes en l’an 218 avant J.-C., à la tête de 37 éléphants et 38 000 hommes dont 800 cavaliers. Les historiens Polybe et Tite-Live puis Strabon ont décrit cette traversée des Puniques de façon très ambiguë et on ne connaît pas de façon certaine leur itinéraire, mais on peut penser qu’il emprunta le Col de Cabre pour rejoindre l’Italie depuis Valence puisqu’à Aspres on a découvert des ossements d’éléphants. Les combats firent rage et Hannibal perdit jusqu’à mille hommes par jour.

3- Rome

En 118 avant J.-C., Rome obtient le succès final sur les Voconces.

En 58 avant J.-C., Jules César traverse les Alpes pour combattre les Helvètes. Il doit, pour forcer la résistance des Caturiges, rejoindre ses alliés, les Voconces. Un protectorat romain est alors établi sur le versant occidental des Alpes.

Ils se seraient installés à La Beaume même, un peu au-dessous du village actuel, c’est-à-dire à l’angle formé par le confluent de Burianne et de Chauranne, dans une étape appelée Cambonum. Ce qui le prouve est l’existence en ce lieu d’un reste assez considérable et bien conservé d’un mur d’enceinte d’origine romaine. De plus, on a trouvé au même endroit, lors de la construction du chemin de fer, des tombes en tuf renfermant de petits vases en forme de coupes, diverses monnaies dont une d’Auguste et une autre de Magnence, des stylets, des fragments de poterie rouge, une pierre gravée du II° siècle représentant Némésis et enchâssée dans un riche bijou de l’époque mérovingienne.

Enfin, on voit, dans la plaine qui mène au Villard, un tronçon de l’ancienne voie romaine construite en digue au-dessus des champs. Ainsi Cambonum se trouvait à La Beaume mais s’étendait jusqu’au Villard (villa romaine a donné par contraction Villard), plaine fertile, bien irriguée par de nombreuses sources. Car Jules César offrait à ses loyaux centurions, un domaine dans les territoires occupés pour qu’ils y fassent souche, la meilleure façon de s’annexer durablement la contrée.

La découverte de nombreuses amphores au Villard amène à penser que la viticulture était présente dès cette époque et qu’elle faisait l’objet d’un commerce. Pline parle d’un « vin doux » qu’on trouve chez les Voconces et on a trouvé à La Bâtie-Montsaléon une cella vinaria dotée d’un pressoir flanqué de deux espaces de stockage qui ne dépendait pas d’un domaine agricole. Elle était, en même temps, un centre pour les populations rurales qui venaient y vendre leurs productions et acheter ce dont elles manquaient.

De plus, au Villard, se trouvent encore des galeries de mines d’argent et de plomb, métaux recherchés pour leurs industries.

A La Bégüe (qui signifie abreuvoir), se trouvent les vestiges d’une « villa », dont la partie visible occupe 4 000 m². Elle était au centre d’une entreprise agricole et se composait d’un bâtiment principal et d’une cour au centre précédée d’un portique.

C’était une « mutatio », gîte d’étape sur la voie romaine : la via Cottia, de Vologatae (Beaurières) à Mons Seleucus (La Bâtie Montsaléon) par Gaura Mons (Col de Cabre).

Près de cinq siècles de paix favorisèrent la romanisation. Dans les montagnes, on pratique une économie autarcique, basée essentiellement sur l’élevage des ovins, fournisseurs de viande, de cuir et de laine ; dans les vallées, se pratique autour des « villae », une agriculture portant sur la culture des céréales, des arbres fruitiers et de la vigne.

4- les invasions barbares

Dès le V° siècle, à la chute de l’Empire romain en 476, des peuplades venues de l’Est (Francs, Burgondes, Lombards, Wisigoths ou Vandales) s’installèrent dans la partie occidentale de l’ancien empire romain. On les appelait les Barbares. Le mot barbare finit même par prendre le sens purement grammatical de brute, sauvage, grossier alors que son sens premier était « qui n’a pas le même langage et les mêmes mœurs que les romains ».

Ces peuples n’avaient pas de plan préconçu de conquête : ils se déplaçaient poussés par d’autres peuples, à la recherche d’un endroit où s’installer. La plupart de ces royaumes, après une période d’expansion, s’affaiblirent surtout à cause de leurs divisions et luttes intestines.

Dans la première moitié du VII° s, en Arabie, naissait l’Islam. A la mort du fondateur Mahomet, les Sarrasins menèrent une politique de conquête et d’invasion qui commença par l’Espagne puis les troupes envahirent les terres placées au nord des Pyrénées. Dès 720, remontant la Vallée du Rhône, ils pénétrèrent dans les vallées des Alpes. Ces envahisseurs, se servant des axes déjà existant firent subir des dommages importants aux larges vallées. Les hommes sont méthodiquement castrés, quant aux femmes, elles sont pour la plupart introduites dans les harems d’Afrique du Nord et « servent » à engendrer de nouvelles générations de musulmans.

Sous la dynastie carolingienne, notre contrée est victime des incursions dévastatrices des Sarrasins. Lorsque Charles Martel stoppa leur avance à Poitiers, en 732, il voulut les chasser aussi de notre région. Mais pour beaucoup de seigneurs de celle-ci, les hommes du Nord étaient leurs ennemis et ils préférèrent se joindre aux Sarrasins contre Charles Martel allié aux Lombards.

5- Le Moyen-Âge

Le Testament d’Abbon (5 mai 739) témoigne des époques carolingienne et mérovingienne qui nous firent appartenir au Gapençais au sein du Pagus Vapincensis.

À cette époque, l’incapacité du pouvoir royal et impérial à faire face aux invasions entraîne le développement d’une aristocratie militaire qui entreprend la reconquête de la région contre les Sarrasins en apportant sa collaboration à Guillaume Ier le Libérateur. Des personnalités marquantes : anciens fonctionnaires royaux et impériaux (les Comtes), riches propriétaires ou dignitaires ecclésiastiques, prennent la défense de la portion de territoire soumise à leur juridiction et de ses habitants : ils en deviennent les seigneurs. Le pays est alors partagé en seigneuries dépendant de familles de l’extérieur : les Mévouillon, les Artaud de Montauban, les Arnaud de Flotte, les Agoult au sud, le Comte d’Abbon au Nord.

Guillaume I, le Libérateur, comte de Provence, passa 9 ans à faire campagne pour motiver les Provençaux. A partir de 983, on chasse désormais méthodiquement toute bande musulmane, petite ou grande. En 990, les dernières troupes barbaresques sont enfin chassées.

Elles ont ravagé la France pendant deux siècles…

A La Beaume, ils ont détruit les églises. En représailles, au Cirque des Naïs, on trouve encore des ossements humains car les habitants ont précipité du haut de la falaise, les sarrasins faits prisonniers.

Le succès de la reconquête sur les Sarrasins confère à Guillaume II une autorité incontestée sur le comté de Provence, au détriment de celle du roi de Bourgogne ; le Comte de Provence sera donc le suzerain de notre région jusqu’en 1105, date à laquelle elle fera partie du Comté de Forcalquier dont le territoire se sépare alors de la Provence.

Comme de nombreux villages, La Beaume s’est dotée de remparts vers le X° s. Il était protégé par deux tours, construites, l’une, au bas de la Côte, appelée la Petite Tournelle, l’autre, la Grande Tournelle, à la cime de la Côte. La partie supérieure du mur d’enceinte, située le long du ruisseau de Burianne, est bâtie en pierres roulées et n’est pas antérieure au XIV° s. Il y était pratiqué trois portes : l’une au Nord-Ouest ou du Serret à l’extrémité nord du château actuel de M. de Prunières ; la seconde ou de Notre-Dame, pour se rendre à l’église bâtie à l’emplacement de l’édifice actuel, la troisième, la seule qui subsiste, au Sud-Est, est à arc brisé (ogive) surmontée d’un autre arc à plein cintre construit ultérieurement ; elle était appelée le Portail Saint Michel. Il en était encore ainsi en 1636, comme nous l’apprend l’ancien cadastre conservé à la mairie. On retrouve, aujourd’hui le Portail Saint Michel, qui donnait accès au Prieuré, situé sur l’autre côté de Chauranne, et différents pans de murailles (à droite du pont de l’église, à la confluence de Chauranne et Burianne).

On a retrouvé des écrits mentionnant « Balma Arnaudorum » qui datent de 1253. Ce nom serait l’hommage à la famille seigneuriale de Flotte dont les aînés se prénommaient Arnaud. Ils auraient vaincu les Sarrasins à Pont Sarrasin et Guillaume, pour les en remercier, leur aurait donné le territoire allant de La Beaume des Arnauds à La Roche des Arnauds.

Il semblerait, selon l’Encyclopedia Universalis, qu’au Col de Cabre, il y eût une Commanderie de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, fondée en 1254 par la famille Flotte et unie peu avant 1500 à celle de Valdrôme dans le bailliage d’Arles, d’une grande importance. La voie médiévale de Gap à Die passait dans la commune ; le Col de Cabre, qui conduit de la Vallée du Buëch à celle de la Drôme, serait le « Gaura Mons » de l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. Suivant un document du XIV° siècle, la chapelle était sous le vocable de Sainte Catherine. On a trouvé à proximité des tombeaux de ces moines-soldats, des fragments de poterie et des armes.

Cette terre, qui appartenait aux Comtes de Die, se divisa après leur extinction en six coseigneuries. Au Moyen-Âge, le seigneur majeur de La Beaume avait droit de haute et basse justice. Cette époque nous a légué de nombreux témoignages.

Les d’Agoult furent un des 6 coseigneurs de La Beaume par le mariage de Raymond d’Agoult (vers 1200) avec Isoarde, Dame de La Beaume, petite-fille du dernier Comte de Die, primitivement propriétaire des terres de La Beaume. Une partie du fief est vendue à Jean Perdrix en 1543. La famille Flotte fondait la seigneurie de Château la Beaume dite aujourd’hui La Haute-Beaume.

L’ancien château seigneurial est nommé « Château d’Agoult ». La partie la plus ancienne est une tour carrée dont le bas, construit en gros blocs bien appareillés, orné sur les angles de pierres taillées en bossages et percé d’archières simples, est du XIII° siècle. Les étages supérieurs, plus modernes et percés de fenêtres à chanfrein, sont du XV° siècle. Le reste du corps de logis, également percé de fenêtres semblables soutenues par des tablettes, est de la même époque

En 1318, le 27 mars : Jean II, Dauphin, est à La Beaume et loge au château.

En face, datant du XIV° s, un château avec sa tour ronde domine une position-clé aux frontières du Diois et du Gapençais. Il appartint à la famille des Comtes de Prunières dont une dame, Madame de Barin descendait de celle des Artaud de Montauban. Une fille des Artaud ayant épousé un fils de l’autre famille de ce lieu, les d’Agoult, c’est cette dernière qui conserva la seigneurie jusqu’au XVI° siècle. La partie qui reste debout fut le lot du cadet. La part de l’aîné fut démolie pendant les guerres religieuses du XVI° siècle ; il se trouvait au couchant. Plus tard, quand M. de Prunières, évêque de Grasse, devint coseigneur de La Beaume, il fit construire, avec les débris de l’ancien, le château moderne en conservant la tour ronde gardée intacte.

Il y avait aussi un château-fort sur la colline de la Tournelle mais il n’en reste plus aucun vestige, son existence semble être attestée par l’absence d’église dans le village de La Haute-Beaume puisque chaque château avait sa chapelle.

Ce sont ces trois châteaux qui sont représentés dans les armoiries de La Beaume.

Sur la Place du Jeu de Paume, sur la Maison Forte des Comtes de Perdrix, s’exposent leurs armoiries : elles sont tête en bas car le Dauphin l’a ordonné pour punir le propriétaire.

Au moins dès le XII° siècle, de l’autre côté de la voie ferrée, se trouvait un prieuré (au lieu appelé aujourd’hui le Proure). On le connaissait sous le vocable de Notre Dame de Pied d’Aureille (de Podio Auricule) dit plus tard de Saint Michel, de la dépendance de l’Abbaye de Saint Michel de la Cluse (Isère), règle de Saint Benoît. Le prieur était collateur de la cure et décimateur de la plus grande partie de la paroisse qui dépendait de l’archiprêtré du Gapençais.

Le 3 mai 1335, Noble Perseval de Compeis prête hommage lige au Dauphin Humbert II, en Avignon. Il reconnaît tenir en fief tout ce qu’il possède au mandement et territoire de La Beaume des Arnauds, en Gapençais. Cet hommage fut suivi le 5 mai de celui rendu par Arnaud Flotte.

Le 26 avril 1337, Mabille d’Agoult de La Baume des Arnauds, reconnaît tenir en fief franc du Dauphin, le château inférieur de La Beaume, avec son mandement, juridiction, droits et appartements confrontant Beaurières de Valdrôme, Argençon et Saint André en Beauchêne.

En 1349, Humbert II donne le Dauphiné au Royaume de France

En 1403, il existait à La Beaume une Maladrerie sous le vocable de Ste Magdeleine, située au lieu nommé la Maletière, tout près de Chaures, sur le passage de l’ancienne route. Elle avait une petite chapelle sous le même titre. On y soignait les pèlerins se rendant à Saint Jacques de Compostelle. Transformée plus tard en hôpital, elle a subsisté jusqu’à la Révolution. Ses biens ont été vendus au profit du bureau de bienfaisance. Les derniers vestiges ont disparu au moment du percement de la voie ferrée.

A côté de Chaures, se trouvait un Four de potiers (quartier de la Tuilerie) qui servait à cuire les tuiles (et autres poteries) qu’apportaient les gens d’alentour. Son utilisation a entraîné un certain déboisement.

6- Les temps modernes

Louis XIII fut de passage à La Beaume le 4 mai 1629, de retour de sa courte campagne du Piémont, où il était allé faire lever le siège de Casale, entrepris par les Espagnols sur le duc de Mantoue, son allié. Il était accompagné de son armée et sa venue engendra rapines, viols et autres exactions qui affaiblirent les villageois.

En 1692, les troupes de Victor Amédée, duc de Savoie, ayant envahi le Gapençais jusqu’au Col de Cabre, furent repoussées par les habitants des communes situées de part et d’autre du col commandés par les frères Lagier de Vaugelas et de la Cordonnière arrivant de la Drôme et par Taillades et Flotte d’Argenson venant des Hautes-Alpes. La palme du triomphe fut adjugée à Melle de la Charce, la célèbre Philis de la Tour, qui monta à cheval, vêtue en amazone, l’épée au côté et les pistolets à la selle, parcourut le pays, enrôla les paysans et leur distribua des armes. Elle se mit à leur tête, leur assigna des postes à garder, des ponts à couper, des défilés à barricader et livra plusieurs petits combats dans les défilés des montagnes. Le roi la combla de louanges et de faveurs, lui accorda une pension de 2.000 livres et fit placer au trésor de St-Denis son épée, ses pistolets, son portrait et son blason, où ils sont restés jusqu’à la mort de Louis XIV. Elle y figurait à côté de Jeanne d’Arc et de Bayard. Elle mourut à Nyons le 4 juin 1703. Les armées du Duc de Savoie pénétrèrent dans notre département, semant la terreur en tuant, pillant, incendiant avant d’arriver dans notre contrée. Monsieur de Flotte et Philis de La Charce regroupèrent et armèrent les paysans et parvinrent à battre les savoyards au Col de Cabre mettant fin à la progression dévastatrice de ces armées dans notre région.

A la veille de la Révolution, en 1788, La Beaume avait pour seigneurs : de Prunières, d’Agoult, de Sigoin, de Chamousse ; pour prieur : Duchamp de la Lande, né à Beynat (Corrèze), prêtre des Quinze-Vingts ; les Jacobins y possédaient un fonds de 60 livres de rente. La paroisse comptait 500 communiants et 30 familles protestantes ; en 1789, la population de la communauté s’élevait à 711 habitants.

A cette époque, les deux-tiers du territoire de la commune, qui représentent d’ailleurs le meilleur, sont possédés par les seigneurs et les prieurs du lieu, et le quart de ce qui revient à la communauté est mis en réserve par l’Ordre de la Maîtrise… ce qui est à la disposition des habitants ne peut que convenir à la pâture des ovins et la culture des céréales.

7- L’époque contemporaine

Quand la Révolution éclata, la commune de La Beaume, imitant l’exemple de la capitale, établit une Garde Nationale dont le commandement fut confié à un membre de la famille de Prunières, lequel était, paraît-il, un émule de La Fayette, M. Gaspard d’Estienne, capitaine en retraite, chevalier de l’Ordre royal de St Louis. Bientôt l’émigration commença : les familles nobles et le prieur quittèrent le pays, la plupart, comme les d’Agoult, pour n’y revenir jamais. Leurs biens et ceux des églises furent acquis par l’Etat et vendus comme biens nationaux. Seule resta la famille de Prunières jusqu’en 1830 et qui fixa ensuite sa résidence dans son autre propriété de Prunières, près de Chorges (Hautes-Alpes).

C’est vers 1795 que les ingénieurs et commissaires de la Drôme et des Hautes-Alpes décidèrent de la création d’une route militaire reliant Gap à Valence. Il faudra attendre 1804 pour que Charles François Ladoucette, baron d’Empire, devenu Préfet des Hautes-Alpes, décide de mettre en œuvre cette route, en perçant le Col de Cabre. Une manière aussi de privilégier le commerce en établissant une voie de communication capable d’irriguer les marchandises entre l’Europe du Nord, celle du Sud et de l’Est de la France.

Percé grâce à la collaboration de 14 communes locales, le Col de Cabre (1180 m) fut rebaptisé par Ladoucette, en 1807, « Col des Communes » en l’honneur de ces dernières qui avaient permis l’aboutissement d’un tel chantier : une stèle érigée à l’époque et installée au sommet du col rappelle cet épisode. Cette borne milliaire fait référence à ses devancières romaines, de même forme et portant d’analogues inscriptions (en latin). En haut de l’inscription, le chiffre romain V correspond à la distance séparant le Col de La Beaume. Nous savons que cette route était bordée de peupliers.

Quand la Patrie fut déclarée en danger, un certain nombre de jeunes gens enthousiastes s’enrôlèrent, entre autres les trois frères Eymery : l’un d’eux, Jean, intelligent, instruit et d’une bravoure à toute épreuve, fit toutes les Campagnes de la Révolution et de l’Empire, et assista à une multitude de combats où il se fit remarquer par sa brillante conduite. Parvenu rapidement au grade de sous-lieutenant, il fut ensuite décoré de la Croix de la Légion d’Honneur et de l’Ordre de Pologne, et devint capitaine quartier-maître (capitaine trésorier). En cette qualité, il fit partie de la Grande Armée, en Russie, dans un corps polonais au service de la France. Il eut l’honneur, malgré toutes les souffrances qu’il endura au cours de cette terrible campagne, de rapporter intact le trésor qui lui avait été confié. En 1815, au retour des Bourbons, il fut renvoyé en demi-solde et vint se fixer dans son pays natal.

Caractère énergique, esprit juste, le capitaine Eymery sut se faire estimer et aimer de ses concitoyens qui le choisirent comme maire. C’est lui qui fonda le Grenier d’abondance. Comprenant tout le prix de l’instruction, il préleva sur sa modeste pension de retraite une somme suffisante, pour payer, à perpétuité, la rétribution scolaire de douze garçons et douze filles de sa commune. Il fit aussi un don important au Bureau de Bienfaisance.

Sous Charles X, M. René d’Estienne de Saint Jean de Prunières était maire de La Beaume. Ses opinions franchement légitimistes qui, d’ailleurs, sont de tradition dans sa famille, en faisaient un défendeur ardent du trône et de l’autel.

En 1844, le Dictionnaire des Communes de France parle d’un « beau village du Dauphiné, canton d’Aspres-les-Veyne. Ce village, entouré d’anciens remparts en pierres de taille, est bâti dans une situation extrêmement pittoresque, sur l’emplacement de la mutatio Cambono de Peutinger. Il doit son nom à une grotte remarquable qui se trouve dans son voisinage. On y voit les vestiges de deux tours assises sur des élévations et nommées, l’une Tour de Beauvais, l’autre la Tournelle. A peu de distance se trouve une magnifique cascade, dont les eaux se précipitent de 20 à 25 m. Le village de La Beaume des Arnauds est bâti au pied du Gaurus Mons, appelé ensuite Col des chèvres et aujourd’hui Col des Communes qu’il doit au dévouement de quatorze communes qui, sur l’invitation de M. Ladoucette, se réunirent en 1804 pour ouvrir sur une étendue de 21.000 m, une route de Gap à Valence. »

Les idées libérales avaient progressé à La Beaume ; le socialisme même y gagnait du terrain, parmi ceux, bien entendu, qui possédaient peu ou rien. Certains ne parlaient rien moins, en 1848, que de procéder entre eux au partage des biens des riches. Les convoitises étaient excitées au plus haut point. Quelques-uns se taillaient déjà, en imagination, un petit domaine dans ceux des «bourgeois» de la localité, notamment du Maire, M. Jean-François Bégou. Aussi, quand éclata la Révolution, de février 1848, sa maison, située dans l’intérieur du village, fut-elle assiégée par quelques énergumènes et les tuiles, les vitres brisées à coups de cailloux. M. Bégou fut remplacé dans ses fonctions de maire par Jean-Antoine Oddoz, connu pour ses opinions républicaines. Un Arbre de la Liberté, béni par le clergé, fut planté ; malheureusement, comme la plupart de ses frères des autres communes de France, sa vie fut de courte durée.

Sous le Second Empire, la municipalité, quoique composée en majorité d’anciens lutteurs de 1848 et de protestants, dont le Maire, amis de la liberté, adressa néanmoins ses hommages de fidélité et de dévouement absolu à l’Empereur.

Vers 1865, Elise Marie Bouthevin, originaire de la Sarthe, fit construire le château de l’Ermitage, de style roman oriental selon les directives de l’architecte lyonnais Guillemot. Mais, bâtie sur des marnes, l’édifice s’est progressivement écroulé : le dôme est tombé en 1996, des pans de mur ont suivi.

L’établissement de la Troisième République ne donna lieu à aucune manifestation populaire digne de remarque. Pendant l’année terrible (1870-1871), une garde nationale fut de nouveau organisée et commandée par M. Joseph Guillemot, architecte du château de l’Ermitage.

Un certain nombre de jeunes gens de La Beaume prirent part aux grandes batailles de Sedan, des environs de Metz et quelques-uns, faits prisonniers, séjournèrent plusieurs mois en Prusse. Aucun ne périt, mais plusieurs furent blessés.

A chaque élection, depuis 1877, la commune de La Beaume n’a cessé de donner une forte majorité au candidat républicain. Il en a été de même pour les élections au Conseil Général et au Conseil d’arrondissement.

Avant la construction du chemin de fer, le roulage faisait de La Beaume un village assez animé. C’était un lieu de halte car la traversée du Col était difficile.

Quelques propriétaires avaient la spécialité des renforts pour les carrioles fortement chargées qui allaient dans la Drôme. A cette époque, le grand centre de ravitaillement de la localité était Marseille. Les rouliers mettaient huit jours pour accomplir le voyage (aller et retour) de La Beaume à cette ville, et les diligences trois jours et demi. Une diligence ou «courrier» passant par La Beaume faisait le service du transport des voyageurs et des dépêches postales de Serres à Die. On voyageait peu avant l’établissement du chemin de fer et l’on allait à pied.

L’établissement du chemin de fer a nécessité de longs et pénibles travaux, tant à La Beaume qu’à Beaurières, dans la Drôme. Entre ces deux localités, a été percé l’important tunnel à double voie qui passe sous le Col de Cabre. Commencé en 1886, cet ouvrage de 3.750 mètres de long n’a été terminé qu’en 1891 et a coûté environ dix millions de francs. La ligne, construite par l’Etat, a été livrée à la circulation le 1° juin 1894. Outre les services qu’elle rend au point de vue commercial, elle a une importance considérable au point de vue stratégique. La gare est alimentée par des eaux provenant de sources captées à 3 Kms de distance, au quartier de la Gargarotte. La Beaume va connaître avec la construction de la ligne de chemin de fer une forte effervescence. Cette période vit passer de nombreux travailleurs étrangers au pays, souvent des italiens.

La Grande Guerre de 1914-1918 n’épargnera pas La Beaume : 45 hommes y laisseront la vie.

L’exode rural suivant la Grande Guerre de 14-18 compléta la désertification de nos campagnes.